Désir, plaisir et consentement
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Le désir, le plaisir et le consentement sont des notions essentielles en matière de sexualité. Quand une personne ressent du désir, consent à une activité sexuelle et en tire du plaisir, l’expérience sexuelle vécue peut être satisfaisante et renforcer l’estime de soi, ainsi qu’une vision optimiste de la sexualité. En revanche, une expérience sexuelle imposée, par la menace ou la contrainte donc en l’absence de consentement, une absence de désir ou de plaisir entravent la possibilité d’une expérience sexuelle agréable et sont sources d’une mauvaise santé sexuelle, à l’origine d’une image de soi potentiellement dégradée.
Aucune définition satisfaisante du désir sexuel ne fait consensus dans la communauté médicale. On peut, simplement, envisager le désir comme l’ensemble des forces qui poussent un individu vers un comportement sexuel, ou comme un appétit, une attirance, ou un état subjectif lié à la perception d’un besoin. Soulignons d’emblée qu’il s’agit bien de « perception d’un besoin » et non de besoin réel, le comportement sexuel humain n’étant pas irrépressible.
La notion de « motivation sexuelle » est parfois évoquée à la place du désir, et désigne les raisons qui nous font aller vers un comportement sexuel. Le désir peut être perçu comme la première étape de cette « motivation », un « starter » entrainant une excitation précédant l’activité sexuelle proprement dite.
Le désir est influencé par une multitude de facteurs, biologiques, psychologiques et sociaux (figure 1).
Les hormones sexuelles
Elles sont souvent citées comme une composante essentielle du désir. S’il est établi qu’un effondrement du taux sanguin de testostérone s’accompagne couramment, chez l’homme comme chez la femme, d’une diminution notable du désir, les liens entre hormones sexuelles féminines et désir sont plus complexes et mitigés par de nombreux autres facteurs.
Chez la femme, la dissociation des activités sexuelles des cycles menstruels est un élément essentiel, distinguant le désir humain du comportement sexuel des mammifères non-primates. En clair, le désir humain s’est affranchi du diktat de la reproduction, et rend toute comparaison avec les comportements sexuels des autres mammifères hasardeuse. De même, la dégradation de l’olfaction chez l’Homme, au cours de l’évolution, rend ce sens moins crucial dans le comportement sexuel humain car notre espèce est moins réceptive aux odeurs déclenchant une motivation sexuelle.
En revanche, le « système de récompense » (ensemble de circuits neuronaux favorisant la répétition de l’action qui l’a activé, donnant l’image d’un hamster qui tourne dans sa roue) et les zones érogènes sont des facteurs neurobiologiques essentiels de la motivation sexuelle chez les hominidés.
Au-delà de ces considérations biologiques, le désir humain est fortement influencé, pour ne pas dire conditionné, par des facteurs psychologiques liés à l’estime de soi, aux émotions, à l’imagination et aux fantasmes, et par des facteurs sociologiques tels que la pression du groupe ou le conformisme (ou la permissivité) de l’entourage. S’ajoutent à ces facteurs les événements de vie, l’état de santé, certains médicaments, ou encore tout élément biographique (sexualité non-consentie par exemple) pouvant avoir des conséquences sur les représentations liées à la sexualité.
Ainsi, le désir sexuel humain est complexe et multifactoriel. Il est aussi très variable au cours du temps, et d’un individu à l’autre. Dans le cadre d’une consultation, tous ces éléments doivent être discutés et évalués, notamment si la personne se plaint d’une baisse ou d’une absence de désir sexuel.
Soulignons enfin qu’un désir sexuel fréquent ou une absence de désir sexuel ne définissent pas, à eux seuls, des entités pathologiques. La souffrance personnelle ou interpersonnelle liée à ces situations orientera, ou non, vers le caractère pathologique de ces états.
En clair, on peut être en très bonne santé sexuelle et ne pas éprouver de désir sexuel, si l’on n’en souffre pas !
Le plaisir sexuel est un sentiment de satisfaction, de contentement qui résulte d’une activité sexuelle. Il peut être atteint de différentes manières, seul ou avec partenaire(s) et peut varier en intensité et en durée.
Le plaisir sexuel est souvent associé à la stimulation des organes sexuels et peut être influencé par des facteurs tels que la confiance en soi, la relation avec le partenaire, les attentes et les expériences passées.
Pour la plupart des individus, l’accumulation des tensions sexuelles au cours d’une activité sexuelle solitaire ou avec partenaire mène au déclenchement de l’orgasme.
L’orgasme est généralement décrit comme une sensation de grand plaisir. On parle parfois de « point culminant du plaisir », ce qui est subjectif car le ressenti dans l’activité sexuelle avant l’orgasme peut être tout aussi agréable, voire plus agréable.
D’un point de vue neurophysiologique, le plaisir sexuel est mal connu car peu étudié. De manière générale, le plaisir implique de nombreuses structures cérébrales, dont les aires corticales orbitofrontale, cingulaire et insulaire, et des structures sous-corticales donc situées « en profondeur » dans le cerveau. Le « système de récompense » est évidemment impliqué au même titre qu’il l’est dans le désir sexuel. Quant à l’orgasme, il se caractérise par une série de contractions rapprochées et rythmées déclenchant le relâchement des tensions neuromusculaires accumulées jusqu’ici.
Au moment de l’orgasme,
chez les personnes ayant un vagin, des contractions involontaires surviennent au niveau de ce vagin et d’autres muscles de la région génitale notamment ceux de l’utérus et de l’anus.
chez les personnes ayant un pénis, l’imminence de l’orgasme est ressentie lorsque l’éjaculation semble inévitable et ne peut plus être retenue. Les contractions qui ont lieu, notamment le long du pénis, entrainent l’expulsion du sperme. L’éjaculation et l’orgasme arrivent au même moment, mais il faut souligner que ces deux phénomènes sont distincts et qu’un orgasme peut être présent sans éjaculation (par exemple chez les hommes ayant subi une ablation de la prostate). Dans tous les cas, l’orgasme s’accompagne d’une accélération du rythme cardiaque.
D’un point de vue sociologique, la quête de l’orgasme alimente les représentations sur la sexualité, et, plus particulièrement, d’un orgasme qui serait simultané pour les partenaires. Cette tendance réduit souvent le plaisir sexuel à l’orgasme, ce qui est une vision très parcellaire de la sexualité humaine.
Le consentement est un élément fondamental de la santé sexuelle. Dans la définition de la santé sexuelle donnée par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), il est bien précisé : « La santé sexuelle exige une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles agréables et sécuritaires, sans coercition, ni discrimination et ni violence. Pour atteindre et maintenir une bonne santé sexuelle, les Droits Humains et Droits sexuels de toutes les personnes doivent être respectés, protégés et réalisés ».
Le consentement sexuel est un accord libre et volontaire donné par toutes les personnes impliquées dans l'activité sexuelle. Le consentement doit être explicite, révocable et donné sans pression, contrainte ou menace.
Ainsi, le consentement ne peut pas être donné si une personne est incapable de comprendre la nature de l'activité sexuelle, comme dans le cas d'une personne en état d'ébriété, sous l'emprise de drogues ou souffrant de troubles mentaux. Ce consentement peut être retiré à tout moment et ce retrait doit être respecté immédiatement. Les partenaires sexuels doivent être attentifs aux signaux de retrait du consentement, explicites et implicites, verbaux et non-verbaux, et être prêts à arrêter ou à modifier l'activité sexuelle en conséquence.
La loi d’un pays fixe généralement l’âge en-dessous duquel un enfant ou un adolescent n’est pas en mesure d’exprimer un consentement.
En France, la loi du 21 avril 2021 « visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste » fixe l’âge de 15 ans en dessous duquel il ne peut y avoir consentement avec un adulte à partir du moment où la différence d'âge dépasse 5 ans. Cet âge passe à 18 ans en cas d'inceste.
Un abus sexuel peut être un attouchement ou un viol (pénétration vaginale, anale ou buccale effectuée par le sexe, les doigts, une autre partie du corps ou par un objet) sans consentement, par menace, surprise (dans ce cas, la victime est trompée par la ruse de l’agresseur), contrainte ou violence.
La prise en charge d’une personne victime d’abus sexuel doit être irréprochable et ne pas ajouter de traumatisme supplémentaire pour la victime. Accueillir et informer la victime, assurer une prise en charge médicale optimale ne répétant pas les examens génitaux, souvent traumatisants, prévenir les risques infectieux et la grossesse, les risques de séquelles psychologiques, préciser les faits afin de rédiger un certificat qui sera un élément clé du fonctionnement judiciaire sont des étapes clés qui requièrent un grand professionnalisme et incitent à la constitution de centres d’accueil par des équipes pluridisciplinaires formées à cet exercice particulier.
Au cours des dernières années, le développement des réseaux sociaux a favorisé l’émergence de nouveaux comportements sexuellement abusifs ayant comme victimes principales les adolescents et les jeunes adultes : la cybermanipulation, la cyberprédation et l’autoproduction, par des personnes mineures, de matériel érotique ou pornographique. Ces situations rendent la question du consentement encore plus complexe, un adolescent pouvant consentir à envoyer une photographie intime à une personne ciblée mais prenant le risque de la voir diffusée à un plus large public sans son consentement.
Aussi, l’éducation sexuelle sur le consentement doit être une priorité pour les enfants et adolescents, pour leur permettre de mieux protéger leur intimité et leur estime de soi.
Vidéo sur le consentement, "Thé et consentement" :
Comment ces notions de désir, plaisir et consentement s’articulent-elles au cours d’un comportement sexuel ?
Les travaux de Masters et Johnson dans les années 1950 reposent sur l’observation systématique de milliers d’actes sexuels et ont permis de décrire le cycle de réponse sexuelle selon un modèle en quatre phases : l'excitation, le plateau, l’orgasme et la résolution (figure 2).
La phase d’excitation commence avec les premières stimulations sexuelles et se caractérise par l’augmentation progressive de la tension musculaire, du rythme cardiaque et de la tension artérielle. La lubrification vaginale ou l’érection du pénis interviennent au cours de cette phase.
La phase de plateau représente la poursuite de l’évolution de la tension sexuelle et des manifestations physiologiques amorcées dans la phase précédente. Plus elle se prolonge, plus elle constitue une source majeure d’excitation et de plaisir. Elle s’inscrit dans la continuité de la phase précédente et s’accompagne d’un gonflement des parois du premier tiers externe du vagin qui se resserrent et constituent la « plateforme orgasmique ». Le pénis maintient, lui, son érection pendant cette phase, avec d’autres manifestations telles l’émission d’un liquide translucide par les glandes de Cowper (ou bulbo-urétrales) et l’augmentation du volume des testicules qui remontent vers le bassin.
La phase d’orgasme a été décrite plus haut et est suivie d’une phase de résolution, après les dernières contractions orgasmiques, avec retour à la normale des paramètres physiologiques (notamment rythme cardiaque, pression artérielle, fréquence respiratoire) et des organes génitaux.
Ces phases suivent donc un désir ou une motivation sexuelle et s’accompagnent d’un consentement explicite des personnes engagées dans l’activité sexuelle, consentement qui peut être retiré à tout moment sans justification particulière.
Ce modèle permet d’articuler les notions de désir, plaisir et consentement en insistant sur plusieurs points :
le désir précède la première phase et incite à s’engager dans un comportement sexuel. Il est maintenu pendant l’activité sexuelle pour s’effacer pendant la phase de résolution.
le plaisir est présent, de manière plus ou moins constante ou intense, à toutes les phases de ce modèle, laissant la place à la phase de résolution à un sentiment d’apaisement et de détente.
le consentement des partenaires engagés dans une activité sexuelle peut être retiré à tout moment pendant ces phases. Le retrait de ce consentement doit s’accompagner d’un arrêt immédiat de l’activité sexuelle, sinon il s’agit d’un abus sexuel commis au détriment de la personne qui a retiré son consentement.
Le désir sexuel, le plaisir sexuel et le consentement sont donc interconnectés. Le désir sexuel peut conduire à l'activité sexuelle, qui peut à son tour entraîner du plaisir sexuel. Cependant, le plaisir sexuel ne peut être atteint que si toutes les parties impliquées ont donné leur consentement libre et éclairé. Le consentement est donc une condition préalable à toute activité sexuelle satisfaisante et respectueuse.
Malheureusement, il y a encore de nombreux cas d'activité sexuelle non consentie, tels que le viol et les agressions sexuelles, qui sont souvent motivés par le désir sexuel d'une personne sans tenir compte du consentement de l'autre partie.
Il est également important de comprendre que le désir sexuel, le plaisir sexuel et le consentement peuvent être affectés par des facteurs tels que l’identité de genre, ou l'orientation sexuelle.
Par exemple, un adolescent éprouvant du désir pour des personnes de même sexe pourra être amené à étouffer ce désir, percevant de son entourage qu’une attirance pour le sexe opposé est attendue de lui. Par la suite, il peut avoir des difficultés à cerner son propre désir, ne sachant plus vraiment ce qu’il ressent, même adulte. De même, une adolescente attirée par des personnes de même sexe pourra « lutter » contre son propre désir et s’obliger, par exemple, à avoir des relations avec des personnes de sexe masculin, pour être conforme aux attendus de son entourage. Cette situation risque de brouiller ses repères de consentement, puisqu’elle consent à avoir des relations sans désir. Un dernier exemple concerne le consentement des femmes mariées, qui penseront parfois, par la culture qu’elles ont reçue, qu’elles doivent toujours consentir aux désirs de leur mari et accomplir leur « devoir conjugal », parce qu’elles sont de sexe féminin donc « soumises » à l’homme dans les représentations dans lesquelles elles évoluent. Le mariage n’est pas un « accord pour consentement permanent », et le viol conjugal (rapport sexuel imposé au sein d’un couple marié) est un crime passible d’emprisonnement en France.
Ainsi, les stéréotypes de genre et les attentes sociales peuvent avoir un impact sur la façon dont une personne perçoit son désir sexuel et son plaisir sexuel, ainsi que sur sa capacité à donner ou à recevoir un consentement éclairé.
Pour aller plus loin :
Santé sexuelle par l’OMS : https://www.who.int/fr/health-topics/sexual-health
Médecine sexuelle, fondements et pratiques. Frédérique Courtois, Mireille Bonierbale. Chapitre « Évaluation en médecine sexuelle », Marie-Hélène Colson. Edition Lavoisier, 2016.
Ressources disponibles sur https://sexoblogue.fr/
L’abus sexuel : discussion de la définition, éléments de diagnostic et de prévention.
https://www.erudit.org/fr/revues/ss/2017-v63-n1-ss03079/1040028ar/