PrEP
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La PrEP correspond à l’utilisation de médicaments antirétroviraux à titre préventif chez des personnes séronégatives pour le VIH, mais à haut risque d’acquisition. La présence d’antirétroviraux avec une concentration suffisante au niveau des différentes portes d’entrée du virus (muqueuses génitales et anales) empêche l’infection.
Il ne faut pas confondre la PrEP avec le traitement post-exposition (TPE) dit aussi « traitement d’urgence » qui doit être pris au plus tard dans les 48 heures après un risque de transmission, puis tous les jours pendant un mois. Si vous êtes sous PrEP, le TPE peut quand même vous être utile si vous n’avez pas pris votre PrEP correctement.
Il ne faut pas non plus confondre la PrEP avec l’effet préventif des traitements qui sont donnés aux personnes vivant avec le VIH, qu’on appelle le TasP (Treatment as Prevention) : sous traitement, la quantité de virus dans l’organisme devient extrêmement faible, on parle de « charge virale indétectable ». Lorsque la charge virale est indétectable et que la personne séropositive continue de prendre son traitement correctement, les études ont démontré que le VIH ne peut plus se transmettre aux partenaires sexuels-les, même lors de rapports sans préservatif.
Deux schémas thérapeutiques ont été évalués en tant que PrEP orale : une prise continue ou une prise à la demande. La PrEP en continu consiste en la prise quotidienne à heure fixe d’un comprimé de PrEP. Il faut attendre 7 jours avant d’être considéré comme étant protégé contre le VIH. La PrEP à la demande nécessite la planification des rapports sexuels et consiste en la prise de : deux comprimés de PrEP 2 à 24 heures avant le rapport, puis un troisième comprimé 24 heures (± 2 heures) après la première prise et un quatrième et dernier comprimé 48 heures après la première prise. Si un rapport sexuel supplémentaire sans préservatif survient pendant cette période de trois jours, il faut continuer à prendre un comprimé par jour jusqu’à 48 heures après le dernier rapport sexuel à risque. La PrEP à la demande n’est recommandé que pour les hommes ayant des rapports sexuels entre hommes. Elle n’est pas possible chez les femmes, ni chez les hommes qui sont porteurs du virus de l’hépatite B (et qui devront obligatoirement prendre la PrEP de façon continue).
À l’heure actuelle, le seul médicament autorisé en France pour la PrEP est un comprimé qui associe deux antirétroviraux contre le VIH : l’emtricitabine (FTC) et le ténofovir disoproxil (TDF). Cette association de deux médicaments antirétroviraux a été initialement commercialisée sous la marque Truvada®. Elle est désormais disponible en versions génériques, produites par différents laboratoires. Dans d’autres pays du monde, d’autres combinaisons peuvent être utilisées comme le ténofovir (TDF) avec la lamivudine (3TC).
Les premiers essais de PrEP ont été menés dans les années 2000. En 2010, les résultats de l’essai international Iprex qui concernait des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes et des personnes transgenres et qui reposait sur une prise quotidienne d’un comprimé de TDF/FTC montraient une efficacité de 44 % pour réduire le risque d’acquisition du VIH par rapport au comprimé placebo. Cet effet modeste s’explique par une observance médiocre : on a détecté des traces de TDF/FTC dans le sang chez seulement 9 % des personnes qui ont été infectées au cours de l’essai. Plus important peut-être, cet essai montrait bien l’existence d’une corrélation forte entre adhésion au traitement et efficacité : quand les composés TDF et FTC étaient détectables dans le sang des participants, le niveau de protection atteignait 92 %.
En 2015, deux autres essais, IPERGAY et PROUD, ont montré une efficacité plus élevée encore, parmi des homosexuels masculins. L’essai PROUD de PrEP en continu et en ouvert, a montré une réduction du risque de séroconversion de 86 %. L’essai IPERGAY comparant la prise de TDF/FTC à la demande versus un placebo chez 400 participants a montré une réduction du risque de séroconversion de 86 %. Suite à la publication de ces résultats, l’OMS a intégré en 2015 la PrEP dans ses recommandations de traitement pour les populations dites « à risque substantiel », à savoir un risque d’infection annuel (incidence) de plus de 2 à 3 % en l’absence de PrEP. L’OMS reconnaît la PrEP comme méthode de prévention efficace contre les infections par le VIH par voies vaginale, rectale et pénienne. La France a décidé d’adopter une politique de mise à disposition de la PrEP dès janvier 2016. Les USA avaient déjà fait de même auparavant, dès juillet 2012. L’utilisation de la PrEP orale a été approuvée par de nombreuses agences sanitaires nationales, comme Santé Canada.
Si le schéma de prise à la demande a été recommandé en France dès 2016 pour les hommes cisgenres ayant des rapports sexuels entre hommes, il faudra attendre 2019 pour que cette recommandation soit reprise par l’OMS sous le nom de schéma de prise « 2-1-1 ». En pratique, pour les homosexuels masculins, les stratégies en continu et à la demande ont une efficacité similaire. Le choix s’effectuera en fonction de la fréquence des rapports à risque et on pourra passer d’une stratégie à une autre en fonction de l’exposition, par exemple saisonnière. En l’absence d’évidence pour d’autres populations, et les données suggérant que la pharmacocinétique du ténofovir est différente dans le tractus vaginal, le schéma à la demande n’est pas recommandé aujourd’hui pour les femmes et les personnes transgenres.
La PrEP par TDF/FTC est globalement bien tolérée avec peu d’effets indésirables. La résistance médicamenteuse au TDF/FTC a été étudiée dans le cadre de stratégies de PrEP. D’abord, de rares cas d’infection par des souches de VIH résistantes au TDF/FTC (résistance primaire) malgré la prise de la PrEP et une bonne observance ont été documentés. Ensuite, des résistances acquises ont été sélectionnées lors d’infections par le VIH malgré la prise de la PrEP : (i) en cas de primo-infection si la PrEP a été initiée pendant la phase de séroconversion et (ii) en cas de mauvaise observance.
L’initiation de la PrEP nécessite donc un interrogatoire et un examen clinique minutieux à la recherche d’une exposition récente au VIH et de signes ou symptômes d’infection par le VIH aiguë. C’est d’autant plus important dans les pays du Sud que le dépistage du VIH y repose encore, le plus souvent, sur l’utilisation de tests rapides de troisième génération (recherche d’anticorps uniquement). L’utilisation de tests de dépistage de quatrième génération (recherche d’anticorps et d’antigènes) devrait être favorisée pour permettre la détection plus précoce d’une infection par le VIH.
Globalement, ce risque de survenue de résistance est faible, estimé à 1/1000 environ. En outre, les modélisations suggèrent que la PrEP impactera peu l’émergence des résistances aux antirétroviraux aussi bien au niveau de la population (grâce aux infections évitées par la PrEP) qu’au niveau des patients (<4 % des infections résistantes).
Globalement, la survenue d’infections sexuellement transmissibles (IST) est augmentée après la mise sous PrEP. En effet, plusieurs méta-analyses ont montré une augmentation modeste à importante des infections à gonocoque, chlamydia et syphilis avec une incidence jusqu’à 40 fois plus importante que chez des HSH ne prenant pas la PrEP. Une augmentation de l’incidence de ces infections a été confirmée de façon prospective chez 2891 HSH suivis pour PrEP en Australie. En revanche, la détection des IST était concentrée (76 %) sur un sous-groupe de 736 individus. Certains facteurs de risque comme un âge jeune, un nombre élevé de partenaires et le sexe en groupe ont été associés à la survenue de ces infections. Ces résultats sont en faveur d’une recherche régulière de ces IST chez les personnes sous PrEP. Par ailleurs, l’incidence des hépatites C aigues est importante chez les HSH sous PrEP, avec notamment des cas de ré-infection par le VHC après un premier épisode guéri, et doit conduire à des conseils réguliers sur la réduction des pratiques à risque et à la recherche régulière du virus de l’hépatite C.
Il importe également de rappeler que la PrEP ne protège pas contre les grossesses non désirées. L’utilisation d’une méthode contraceptive demeure donc fortement recommandée, en complément de la PrEP, aux personnes ne souhaitant pas d’enfant dans l’immédiat.
Lors de tous les essais cliniques, la PrEP était proposée dans le cadre d’un programme de prévention qui incluait dépistage et traitement d’infections sexuellement transmissibles, la vaccination contre le VHB et le VHA (pour les personnes non immunisées), ainsi que la distribution gratuite de préservatifs et un counseling continu sur les comportements à risque.
En pratique, une première consultation comportant un premier bilan de dépistage du VIH et des autres infections sexuellement transmissibles (hépatites A, B et C, syphilis, chlamydia et gonocoque...) avec examen des organes génitaux et de l’anus à la recherche de lésions à HPV est recommandée ainsi qu’un bilan rénal. À réception des résultats, la PrEP peut être initiée chez les personnes non infectées par le VIH, n’ayant pas de contre-indication à la prise de TDF/FTC et donc la clairance de la créatine estimée est supérieure à 60 mL/min. Un suivi régulier avec bilan de dépistage du VIH et des autres infections sexuellement transmissibles et recherche des effets indésirables est réalisé tous les mois, puis tous les 3 et éventuellement tous les 6 mois. Les consultations s’accompagnent d’une évaluation de l’observance et d’un counseling continu sur la réduction des risques. Les personnes porteuses du virus de l’hépatite B pourront bénéficier de la PrEP par TDF/FTC à condition de la prendre en continu, le schéma « à la demande » n’étant pas possible dans ce cas-là.
De nouveaux outils de PrEP à longue durée d’action sont en cours de développement voire même de mise sur le marché en Europe ou aux États-Unis. Leur but est de pouvoir s’affranchir de la prise quotidienne d’un traitement et d’ainsi améliorer l’observance et la qualité de vie.
Concernant les anneaux vaginaux à base de dapivirine, deux essais cliniques contre placebo ont été conduits pour en évaluer l’efficacité et la sécurité d’emploi à long terme : The Ring Study et Aspire. Quelque 4 000 femmes, âgées de 18 à 45 ans, ont accepté de participer à ces essais en Afrique du Sud, au Malawi, en Ouganda et au Zimbabwe. L’utilisation de l’anneau vaginal réduit de 30 % en moyenne le risque d’infection par le VIH, soit bien moins que la PrEP orale dont l’efficacité est supérieure à 90 % en cas de bonne utilisation. Ce chiffre augmente avec la fréquence d’utilisation de l’anneau, sauf au sein du groupe des femmes âgées de 18 à 21 ans, pour lesquelles ce moyen de prévention s’avère inefficace.
Le comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’Agence européenne des médicaments a émis en 2020 un avis positif concernant l’anneau vaginal de dapivirine (25 mg), à renouveler tous les mois, en combinaison avec des pratiques sexuelles à moindre risque, lorsque la PrEP orale n’est pas utilisée, ne peut pas être utilisée ou n’est pas disponible. Par ailleurs, l’OMS recommande cet outil de prévention depuis juin 2021, avec des réserves quant à son efficacité chez les femmes de moins de 21 ans qui sont moins à même d’être observantes, et en soulignant l’importance d’évaluer l’acceptabilité de cet outil chez les femmes des populations clés, telles que les travailleuses du sexe.
Concernant la PrEP injectable à base de cabotégravir (une injection tous les deux mois), deux essais ont montré l’efficacité de cette dernière : l’essai HPTN 083 auprès de HSH et de femmes transgenres dans sept pays à travers le monde et l’étude HPTN 084 auprès de femmes cisgenres aux États-Unis. La PrEP injectable par cabotégravir serait 69 % à 89 % plus efficace que la PrEP orale quotidienne par TDF/FTC, en raison principalement d’une meilleure observance. Cependant, des effets secondaires non négligeables ont été rapportés et, surtout, la longue demi-vie du cabotégravir pourrait éventuellement être une source de problème en cas d’utilisation discontinue et d’injections à intervalles irréguliers. La PrEP injectable par cabotégravir a été autorisée aux États-Unis début 2022.
D’autres molécules à action prolongée sont en développement. A défaut de vaccin, la PrEP est disponible, une attitude positive, un outil majeur de l’arsenal de prévention. Elle doit être intégrée pour ceux et celles qui en ont besoin dans le panier de « biens » en santé sexuelle.
Le site de l’association AIDES dédié à la PrEP : https://www.aides.org/prep
Le chapitre Prophylaxie préexposition (PrEP) du livre AFRAVIH
Vidéo : Comment déployer la PrEP ? mini-lecture présentée à l’AFRAVIH 2020 :