Prévention de la transmission mère-enfant
Introduction
Empêcher la transmission du VIH d’un individu à un autre est un objectif majeur essentiel et fondamental, dans une maladie où il n’existe pas de vaccination préventive.
La prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (PTME) a été l’une des premières priorités de la lutte contre l’épidémie de VIH/sida, dans les politiques de santé internationales comme dans les stratégies nationales. Et l’un des évènements majeurs des avancées de la thérapeutique a été, en 1994, la démonstration du bénéfice de l’AZT dans la réduction de cette transmission mère-enfant.
Dans les pays industrialisés, l’utilisation en routine des stratégies de dépistage, de prise en charge thérapeutique des femmes enceintes et le traitement prophylactique des enfants ont réduit drastiquement le taux de transmission mère-enfant (TME) du VIH, l’amenant à moins de 1 %. Ces progrès permettent d’envisager l’élimination de la TME du VIH également dans les pays en développement, même si subsistent encore de fortes disparités dans le monde, alarmantes.
Selon les estimations d’ONUSIDA, 37,7 millions de personnes vivaient avec le VIH dans le monde en 2020, dont 1,7 million étaient des enfants de moins de 15 ans et 18 millions des femmes en âge de procréer.
En 2020 ? 1,4 million de grossesses sont survenues ? chez des femmes vivant avec le VIH.
Les femmes paient un lourd tribut au VIH
Organisation des programmes de PTME
Ceux-ci comportent plusieurs approches /étapes :
le dépistage du VIH chez les femmes en âge de procréer,
les actions de prévention auprès des femmes non infectées,
le suivi médical et psychosocial, ainsi que le traitement antirétroviral (ARV) des femmes infectées,
le traitement prophylactique et le suivi médical des enfants exposés,
le dépistage précoce des enfants exposés et leur suivi jusqu’à la fin de l’allaitement.
Succès et disparités des programmes de PTME dans le monde
Le succès des programmes de PTME est indéniable : on estime que plus de 1,4 million d’infections pédiatriques ont été évitées entre 2010 et 2018, succès favorisé par l’adoption du traitement ARV pour toutes les femmes enceintes indépendamment de leur taux de CD4 (option B+ de l’Organisation mondiale de la santé – OMS, 2015), puis du traitement pour tous en 2016. Le taux de TME est passé, au plan mondial, de 20 % en 2010 à 12,7 % en 2017. Cependant si, au niveau mondial, 77 % des femmes enceintes vivant avec le VIH bénéficient d’un traitement ARV, les disparités régionales restent importantes : 93 % en Afrique de l’Est et du Sud, 48 % en Afrique de l’Ouest et centrale.
Il reste important de ne pas « baisser la garde » en matière de prise en charge de la PTME.
Tableau 1. Données sur les programmes de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (PTME) en 2017 dans le monde
Principaux obstacles dans la prise en charge des femmes enceintes vivant avec le VIH
Les faiblesses des programmes de PTME, en particulier en Afrique de l’Ouest et centrale, résultent globalement :
de la faiblesse des systèmes de santé, qui ne permettent pas l’accès à des services de qualité ;
de l’importance de la stigmatisation liée au VIH qui, indirectement, pourrait être à l’origine de la moitié des contaminations verticales ;
d’un dépistage insuffisant des partenaires, pouvant conduire à des contaminations chez des femmes dépistées négatives en début de grossesse ;
d’une rétention dans les soins faible quand les femmes ont été dépistées pendant la grossesse. Elles se sont souvent astreintes au traitement pendant la grossesse et arrêtent une fois l’accouchement passé. Ceci est vrai au Sud comme au Nord. D’où l’importance de suivre les femmes après la grossesse.
L’insuffisance de l’accès au diagnostic et au traitement des enfants infectés
La PTME est un continuum de soins, depuis le dépistage de la mère jusqu’au traitement de l’enfant s’il est infecté. Si la prise en charge des mères s’est améliorée, l’accès au diagnostic et au traitement des enfants exposés reste insuffisant dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest et centrale.
Diagnostiquer précocement l’infection VIH à 4 ou 6 semaines de vie chez les enfants exposés au VIH est essentiel pour permettre leur mise sous traitement le plus tôt possible.
En effet, en l’absence de traitement, les nourrissons infectés pendant la période périnatale sont à haut risque de décès pendant les deux premières années de vie (50 % de décès à 2 ans). Le pic de mortalité liée au VIH chez ces enfants survient vers l’âge de 2-3 mois, laissant une période de temps très courte pour les dépister et les traiter.
Pour faire le diagnostic précocement, les techniques point of care (POC), réalisables rapidement dans les sites cliniques par le personnel soignant, sont recommandés par l’OMS.
Moments et mécanismes de transmission
La transmission du VIH de la mère à l’enfant peut survenir à trois moments :
pendant la grossesse ;
au cours du travail et de l’accouchement ;
et par l’allaitement.
Sans intervention thérapeutique, le taux de transmission du VIH-1 de la mère à l’enfant est de 15 à 30 % chez les femmes non allaitantes (1/3 pendant la grossesse et 2/3 pendant le travail et l’accouchement). La transmission lors de l’allaitement prolongé jusqu’à l’âge de 2 ans peut augmenter de près de 15 % l’incidence de la TME du VIH.
Une charge virale dans le sang élevée chez la mère, témoignant d’une grande quantité de virus circulant, est un facteur de risque majeur de transmission.
Prise en charge de la grossesse chez une femme vivant avec le VIH
La prise en charge repose sur le dépistage et le traitement ARV précoce, idéalement avant même le début de la grossesse. Le contrôle de la charge virale par un traitement antirétroviral permet de supprimer la TME, ainsi que la transmission sexuelle, et de préserver la santé de la femme elle-même.
Le dépistage avec la sérologie est l’élément clé. Il doit s’accompagner d’une information.
La sérologie VIH doit être prescrite systématiquement en début de grossesse ; le dépistage du partenaire, père de l’enfant à venir, doit être proposé.
Traitement antirétroviral
L’efficacité de la PTME est liée au contrôle de la réplication virale chez la mère. Il n’y a pas de transmission lorsque le traitement ARV a débuté avant la grossesse et que la charge virale (CV) est inférieure à 50 copies/ml à l’accouchement. Le risque augmente si le traitement commence tardivement et/ou si la CV est mal contrôlée.
Pays du Nord
Le choix de première intention est actuellement une trithérapie avec INI (dolutégravir, raltégravir). Ils sont particulièrement recommandés en cas de traitement tardif afin d’obtenir une décroissance rapide de la CV. On évitera le dolutégravir, lorsque le choix est possible, au cours du 1er trimestre. Les principaux INTI sont utilisables : abacavir (après recherche de l’allèle HLA-B*5701) ou ténofovir TDF (associé à la lamivudine ou l’emtricitabine).
L’IP de première intention est actuellement le darunavir.
Concernant les INNTI, l’éfavirenz (associé à TDF/FTC) peut être utilisé à partir du 2e trimestre.
Pays du Sud
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise un traitement de première ligne universel, utilisable chez les personnes non enceintes et pendant la grossesse.
L’alerte concernant un risque accru de malformation neurologique lors de l’utilisation du dolutégravir dans les premières semaines de la grossesse a été levée (le dolutégravir est maintenant recommandé y compris en période périconceptionnelle et au premier trimestre de grossesse), l’éfavirenz devenant une alternative. (https://www.who.int/hiv/pub/arv/arv-update-2019-policy/en/).
Suivi du traitement antirétroviral pendant la grossesse
Toute femme enceinte infectée par le VIH doit bénéficier d’un contact avec un médecin spécialiste du VIH, un obstétricien référent et, si possible, avec le pédiatre qui suivra l’enfant, mais aussi, selon les besoins, avec une sage-femme, une psychologue et une assistante sociale. Le suivi pluridisciplinaire est important, car il s’agit de grossesses à risque d’échappement virologique, de toxicité des ARV et d’accouchement prématuré.
Les professionnels et associations doivent encourager les femmes qui n’ont pas révélé leur séropositivité VIH à leur conjoint à le faire, et les accompagner dans cette démarche. L’autorité parentale partagée signifie que le père a le droit de connaître et de consentir aux traitements et aux soins apportés à l’enfant.
Mais tout doit être mis en œuvre pour que l’accouchement ait lieu dans « une ambiance de non réplication du virus » : charge virale indétectable. Il en est de même pour l’allaitement, source de contamination importante pour l’enfant.
Accouchement
Le seuil de CV au-dessus duquel la césarienne programmée peut être bénéfique n’est pas défini, ce qui explique la divergence entre les diverses recommandations internationales.
En France, les recommandations sont les suivantes :
si CV < 50 copies/ml, un accouchement par voie basse ;
en cas de CV > 400 copies/ml, une césarienne à 38-39 semaines d’aménorrhée (SA) ;
lorsque la CV plasmatique est entre 50 et 400 copies/ml à 36 SA, une intensification du traitement doit être proposée.
En l’absence de traitement ARV pendant la grossesse, ou si la CV est mal contrôlée, la césarienne programmée diminue la transmission, de même que la prophylaxie à l’accouchement et chez le nouveau-né. Les deux ARV qui ont été largement étudiés en prophylaxie per-partum sont la zidovudine (AZT) et la névirapine. Cependant, ces stratégies sont susceptibles d’évoluer.
Allaitement
Les bénéfices nutritionnels, immunologiques et développementaux de l’allaitement maternel, surtout s’il est initié précocement et pratiqué de manière exclusive pendant les six premiers mois de vie, sont incontestables et le font recommander, sur le plan international, comme l’étalon-or de l’alimentation du nourrisson partout dans le monde.
Cependant, l’allaitement est une source de contamination pour l’enfant si le VIH de la mère n’est pas contrôlé : de l’ordre de 15 à 30 %. Ce risque est maintenu pendant toute la durée de l’allaitement. Il est donc important qu’une femme qui allaite ait une CV indétectable dans le sang, ce qui permet le contrôle du VIH dans le lait.
Conclusion
La prise en charge des femmes enceintes vivant avec le VIH et le dépistage des conjoints sont des enjeux majeurs au plan épidémiologique et sociétal.
Tout existe pour un degré zéro de transmission. Manquent pourtant encore, après plus de 30 ans, la mobilisation à tout niveau des structures de santé, l’approvisionnement en tests et traitements, l’empouvoirement des femmes et des familles dans des climats sociétaux souvent stigmatisants qui ne facilitent pas la prise en charge.
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