Qu'est-ce que la santé sexuelle
Spontanément, la « santé sexuelle » est associée à des dimensions médicales : infections sexuellement transmissibles, dysfonctions érectiles, dépistages, etc.
Or, cette notion est en fait insuffisante. En effet, la santé sexuelle recouvre des enjeux, outre ses aspects « maladies ou dysfonctionnement », liés à la conjugalité, aux droits humains, aux mobilisations collectives ou encore à la libre disposition de son corps. La définition officielle qu’en donne l’Organisation mondiale de la santé reflète bien l’ampleur de ces différentes dimensions (voir encadré).
Si la santé sexuelle telle que nous la connaissons a été fortement modelée par la réponse globale au VIH/sida depuis plus de quatre décennies, elle trouve ses racines dès les années 1960 et 1970 dans les mobilisations autour de la planification familiale, de la santé reproductive et en faveur du droit des femmes à disposer librement de leur corps et de leur sexualité. Progressivement, sa définition s’est institutionnalisée et intégrée à une vision plus générale de la promotion de la santé au sein des organisations internationales et à l’échelle des Etats.
Santé sexuelle : définition de l’OMS
Selon l’Organisation mondiale de la santé (2006), la santé sexuelle est « un état de bien-être physique, mental et social eu égard à la sexualité, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie, de dysfonctionnement ou d'infirmité.
La santé sexuelle s'entend comme une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que comme la possibilité de vivre des expériences sexuelles agréables et sûres, exemptes de coercition, de discrimination et de violence.
Pour que la santé sexuelle soit assurée et protégée, les droits sexuels de toutes les personnes doivent être respectés, protégés et appliqués ».
L’épidémie de VIH/sida : un tournant
L’irruption du VIH/sida au début des années 1980 marque un tournant majeur dans la manière d’appréhender et de penser la santé sexuelle. Le virus VIH, parce qu’il est mortellement sexuellement transmissible, met en effet en lumière un certain nombre d’impensés et d’injustices dans la prise en charge de la sexualité humaine.
Ainsi, les minorités sexuelles et de genre sont en première ligne face au VIH. L’absence de reconnaissance sociale et légale de leurs réalités (droits pour les couples, lutte contre les discriminations) et les lois discriminatoires vont très vite être identifiées comme un déterminant majeur du risque infectieux. Il apparaît aussi que l'homophobie et la transphobie peuvent également éloigner les personnes du soin. C’est la raison pour laquelle, dès les années 1980, les leaders communautaires, scientifiques et médicaux ont mis en avant la nécessité de penser conjointement lutte contre le sida et promotion des droits humains.
C’est aussi très clair si l’on s’intéresse aux interventions, programmes et politiques de prévention du VIH et des IST. Jusqu’aux années 1980, les approches dominantes dans ce domaine privilégiaient encore une forme de paternalisme, ou au mieux, de vision descendante (« top-down »), très axée sur les risques.
Grâce à la mobilisation des premiers concernés, soutenus par les associations communautaires, une autre voie s’est ouverte, promouvant des messages de prévention positifs, axés sur le plaisir et le choix des outils de protection.
C’est le cas également si l’on se penche sur la diversité des représentations et des pratiques sexuelles selon les pays, les cultures et les normes sociales et morales qui encadrent la sexualité. Les homosexualités ont longtemps été réduites à des enjeux d’identité (s’affirmer gay ou lesbienne, par exemple). On voit pourtant que les pratiques sexuelles entre personnes du même sexe existent partout, dans tous les milieux sociaux, même si les termes pour les définir et les stratégies d’affirmation peuvent varier. L’épidémie de sida a agi comme un véritable révélateur social et, dans plusieurs pays, a permis d’obtenir de nouveaux droits comme la reconnaissance des couples de même sexe.
C’est enfin évident si l’on s’intéresse aux dynamiques de genre dans la sexualité, les relations femmes/hommes, mais aussi entre hommes et entre femmes. Longtemps la santé sexuelle des femmes a été avant tout cantonnée aux enjeux de procréation, délaissant les autres dimensions de leurs sexualités. De leur côté, les femmes lesbiennes ont longtemps été perçues comme à l’écart de la santé sexuelle et reproductive, quand bien même elles sont, pour certaines, mères.
On le voit, la santé sexuelle s’accorde mal avec les préjugés et les rôles préconçus. Il s’agit à l’inverse d’envisager les personnes dans leur complexité et la diversité de leurs besoins.
La santé sexuelle : diversité d’acteurs, diversité d’enjeux
La santé sexuelle est aujourd’hui largement structurée par la réponse aux infections sexuellement transmissibles, mais elle ne s’y réduit plus. Au cours des dernières années, les thématiques, les interventions et les approches de santé publique se sont largement diversifiées, autour du combat pour les droits humains, de la notion de consentement, des enjeux de consommation de drogues en contexte sexuel, des dimensions liées à l’estime de soi et à la santé mentale ou de médicalisation des outils de prévention (avec la PrEP - prophylaxie pré-exposition - en particulier).
Cette diversification est prometteuse, car elle permet véritablement d’approcher la définition large et ambitieuse que l’OMS donne de la santé sexuelle. Mais elle ne va pas sans poser de nouveaux défis :
Les acteurs et actrices de la santé sexuelle sont pluriels : pouvoirs publics, professionnels de santé, associations, médiateurs communautaires… Cette pluralité est une richesse, mais pose aussi la question de la formation et de l’appropriation de dimensions parfois complexes de la santé sexuelle, comme la PrEP ou le TasP (treatment as prevention, … c'est-à-dire le fait de ne plus transmettre le VIH quand l’infection est contrôlée par un traitement), ou la notion de consentement. Dans ce domaine, la mise à jour des connaissances et la formation continue sont indispensables à la pérennité des interventions.
Qu’on le veuille ou non, la sexualité demeure imprégnée par les normes sociales et morales de nos sociétés. Développer des approches de santé sexuelle positives, respectueuses et émancipatrices implique nécessairement de penser les contextes dans lesquels on les implante. Cela prend du temps, demande des compétences de dialogue et de formation, et surtout un travail étroit avec les communautés concernées, pour s’assurer que les interventions de santé sexuelle répondent à leurs besoins.
Dans le champ de la santé sexuelle comme ailleurs en promotion de la santé, les vulnérabilités sont multiples, d’autant plus quand elles s’entrecroisent. Certains et certaines, par leur genre, leur orientation sexuelle, leur position sociale, les discriminations et les violences vécues, sont particulièrement exposés aux injustices. Pour y faire face, les programmes de santé sexuelle se doivent de mettre en œuvre des approches ciblées et proportionnées.
La multiplicité des thématiques ne doit pas faire oublier les notions fondamentales de plaisir et d’épanouissement. La santé sexuelle risquerait alors de se limiter à un ensemble de techniques et de recommandations, détachées de l’expérience sensible et subjective. Promouvoir une santé sexuelle « grand angle » implique d’associer la pluralité des points de vue, des professionnels de santé, des acteurs communautaires et des personnes concernées.
La santé sexuelle résulte de combats anciens pour la santé reproductive, pour les droits des minorités, pour la libre disposition de son corps et de sa sexualité. L’appréhender dans sa complexité est un formidable défi, mais aussi la promesse de la possibilité pour chacun et chacune d’une sexualité plus épanouie et agréable.
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