Dysfonctions sexuelles
Dernière mise à jour
Cet article vous a-t-il été utile ?
Dernière mise à jour
Cet article vous a-t-il été utile ?
Au cours de la vie, de nombreuses personnes éprouvent des difficultés dans leur vie sexuelle. La manière d’exprimer cette difficulté variera d’un individu à l’autre, d’une société à l’autre, mais se pose souvent en filigrane une question angoissante pour les femmes et les hommes de tous âges : « Suis-je normal ? ».
Être dans la norme, conforme à la représentation d’une sexualité « saine » peut préoccuper nombre d’individus qui viennent chercher chez un soignant une réassurance, une validation (de leur sexualité... ou de leurs craintes d’être anormaux). De fait, la difficulté sexuelle pose en creux la question de la norme en sexualité.
Attention, terrain dangereux : il est très difficile de définir des normes en sexualité, contrairement à de nombreux domaines de la médecine. Autant un nombre de cellules CD4, une fraction d’éjection cardiaque ou une température sont faciles à « normer », autant la sexualité humaine ne peut être enfermée dans des chiffres et des jalons, sous peine de porter des jugements inspirés non par la science, mais par la culture, les religions, la société à un instant donné, ou ses propres représentations.
La fréquence, la répétition, l’intensité́ ou la nature des comportements sexuels ne définit pas, à elle-seule, une dysfonction sexuelle. Ainsi, un « nombre de rapports sexuels par semaine ou par mois », « être attiré par telle partie du corps » ou encore « ne pas avoir de rapports sexuels depuis un an » ne sont pas, en eux-mêmes, des dysfonctions sexuelles.
Il faut se méfier des raccourcis cognitifs en sexualité humaine : parfois, le «bon sens » guide vers l’idée qu’il s’agit d’une dysfonction sexuelle, parce que vous vous fiez implicitement à vos propres représentations de la sexualité. Et vous allez trouver un comportement « trop » ou « pas assez » (fréquent/ intense/ bizarre...).
Le socle d’une dysfonction sexuelle est une souffrance, psychique et/ou physique, exprimée par la personne, associée à un comportement sexuel. De même, si la personne ne souffre pas mais génère une souffrance chez d’autres individus, si son comportement sexuel a des conséquences interpersonnelles importantes, il faut s’orienter vers une entité pathologique, donc une dysfonction sexuelle.
Ainsi, la dysfonction sexuelle est une difficulté rapportée par un individu qui l’éloigne de la santé sexuelle, par la souffrance ressentie (par lui) ou infligée (aux autres), par la limitation, parfois, de son champ d’activités ou de son libre-arbitre. Un comportement sexuel envahissant, se substituant à d’autres interactions interpersonnelles, rentrera, par exemple, dans le champ des dysfonctions.
Soulignons enfin la grande fréquence des dysfonctions sexuelles : les études donnent des chiffres variables, notamment d’un pays à l’autre, mais, en résumé, jusqu’à 1 personne sur 2 présente une dysfonction sexuelle au cours de sa vie.
Quelques dysfonctions sexuelles parmi les plus fréquentes* :
les troubles de l’érection : dysfonction érectile chez les personnes ayant un pénis
les troubles de l’éjaculation : éjaculation précoce donc jugée trop rapide par la personne en souffrant ; et, moins fréquent, retard à l'éjaculation ou absence d'éjaculation (anéjaculation)
les dyspareunies : douleur ressentie lors de la pénétration
le vaginisme : contraction réflexe involontaire des muscles de l’orifice vaginal
les troubles du désir sexuel : absence ou baisse de désir sexuel, manque d’intérêt sexuel
les troubles du plaisir sexuel : anorgasmie = absence d’orgasme, totale ou au moment du coït par exemple
les troubles de l’excitation : altération de la lubrification vaginale
* nous faisons le choix de ne pas les aborder sous l’angle « féminin/masculin » généralement présenté ; en effet, des hommes possédant un vagin peuvent présenter un vaginisme et des femmes possédant un pénis peuvent, par exemple, présenter une dysfonction érectile. Nous adopterons donc une présentation « neutre », plus inclusive et qui n’altère nullement les informations données.
Définie comme l’incapacité d’obtenir et/ou de maintenir une érection, c’est à dire une rigidité du pénis suffisante pour une pénétration et le déroulement de l’acte sexuel, elle constitue l’un des troubles les plus fréquents, pouvant concerner une personne sur deux au cours de la vie.
Il faut s’assurer qu’elle est persistante dans le temps, des « pannes » occasionnelles ne définissant pas une dysfonction érectile (oui, il peut être normal de ne pas avoir d’érection si vous vous êtes disputé avec votre patron le jour même. Du reste, il est possible que votre patron ait aussi une panne pour cette raison. Ce qui peut être réconfortant).
La majorité des dysfonctions érectiles sont d’origine psychogène, c’est à dire qu’elles ne relèvent pas d’une cause organique identifiée. Certaines sont dites d’origine mixte, à la fois organique et psychogène.
Comme dans toute dysfonction sexuelle, il ne faut jamais oublier d’interroger sur la vie affective, sur le couple le cas échéant, voire recevoir la/le partenaire qui peut vous donner des informations précieuses pour mieux prendre en charge le trouble.
L’examen clinique comprend généralement l’étude des caractères sexuels secondaires (pour vérifier l’imprégnation en testostérone), l’examen cardiovasculaire avec recherche des pouls périphériques, mesure de la pression artérielle, l’examen des organes génitaux externes à la recherche de maladies pouvant favoriser ce trouble, voire un toucher rectal après 50 ans.
Les examens paracliniques sont assez limités, avec dosage, parfois, de la testostérone, ou, par exemple, vérification de la glycémie (taux de sucre dans le sang) s’il n’y a pas de bilan sanguin récent.
Les traitements sont à la fois médicamenteux et non-médicamenteux.
Des comprimés peuvent permettre de faciliter l’érection « à la demande » (au moment des rapports sexuels), notamment la famille des IPDE-5 (inhibiteurs de la phosphodiestérase 5). Des prostaglandines peuvent être administrées par gel dans l’urètre ou en injection dans le pénis. Il existe dans les formes plus sévères des prothèses gonflables qui peuvent être mises en place chirurgicalement.
Dans tous les cas, des informations et des conseils doivent être donnés. En effet, une dysfonction érectile peut être l’occasion de revoir son hygiène de vie, ou de se questionner sur ses choix affectifs par exemple. En complément ou à la place de ces approches médicamenteuses, une approche par sexothérapie ou psychothérapie de soutien peut être proposée.
Appelée aussi « éjaculation précoce » ou « éjaculation rapide », elle est définie par la survenue d’une éjaculation jugée trop rapide par la personne, incontrôlable et empêchant la/le partenaire d’avoir du plaisir.
Cette difficulté pose bien le problème de la norme car il est très difficile de donner une durée « optimale » de rapport sexuel pour objectiver une éjaculation « trop » rapide. C’est donc l’écoute du récit de la personne, et du degré de souffrance ressenti, qui guidera le soignant. S’il est souvent donné le chiffre d’une minute (éjaculation survenant moins d’une minute après le début de la pénétration), ce jalon écartera des personnes qui dépassent la minute mais sont en réelle souffrance avec leurs partenaires.
La fréquence de cette plainte est souvent sous-estimée dans nos sociétés, la durée du rapport sexuel semblant être devenue le mètre-étalon (sans mauvais jeu de mot) de la performance sexuelle. Les enquêtes montrent que ce trouble pourrait être plus fréquent encore que la dysfonction érectile, mais davantage passé sous silence. Il est dans tous les cas important de rassurer la personne sur la banalité de cette difficulté en expliquant que l’organisme est programmé pour éjaculer rapidement (le coït étant une situation vulnérable pendant laquelle un ennemi ou un prédateur peut vous attaquer) et que l’allongement du temps jusqu’à l’éjaculation est un apprentissage lié à nos habitudes culturelles et sociales, qui peut se travailler.
Dans le cadre d’une éjaculation prématurée, la documentation est également clé car elle permettra de transmettre des connaissances. Beaucoup de personnes manquent d’informations sur le réflexe éjaculatoire, les moyens de mieux le contrôler, en apprivoisant, par exemple, les muscles du périnée ou en développant sa culture sexuelle (positions, pratiques, jouer avec le temps etc...). On n’omettra pas de penser aux causes organiques, car une balanite (inflammation du gland), liée par exemple à une infection sexuellement transmissible, peut être l’origine d’une éjaculation prématurée.
Les traitements médicamenteux sont peu nombreux, essentiellement un inhibiteur de recapture de la sérotonine ayant l’indication dans ce trouble. Sont souvent privilégiés les explications données en consultation, les approches cognitives et comportementales, les exercices à faire seul (masturbation pour mieux identifier les sensations d’imminence de l’éjaculation), une sexothérapie brève ou un travail analytique plus approfondi chez un psychologue donnant souvent de bons résultats.
Le vaginisme correspond à l’ensemble des réactions musculaires qui ferment l’orifice vaginal lors du coït. Il s’agit de réactions réflexes involontaires. Il peut être complet ou incomplet, si un certain degré de pénétration est possible. Il peut survenir uniquement dans le cadre d’une activité sexuelle avec partenaire, ou être constant à toute tentative d’introduction d’un tampon ou d’un speculum par exemple.
La dyspareunie est une douleur persistante et récurrente lors du coït, ou d’une activité sexuelle. Selon le cas, la douleur apparaît dès le début du coït ou lors de son déroulement, elle peut être brève ou prolongée, et se localiser à l’entrée du vagin (on parle alors de dyspareunies superficielles) ou plus profondément (dyspareunies profondes).
Vaginisme et dyspareunie peuvent se recouper, le vaginisme pouvant être une réaction « réflexe » liée à une douleur à la pénétration, encore appelée dyspareunie d’intromission.
Qu’il s’agisse de vaginisme, de dyspareunie ou des deux, la documentation du trouble est essentielle car des causes organiques peuvent être présentes : par exemple, anomalie de l’hymen, utérus rétroversé, cicatrice liée à un accouchement (notamment épisiotomie) ou à une mutilation génitale (infibulation par exemple), infections aiguës ou chroniques, sécheresse vaginale (liée à la ménopause ou à un traitement par exemple), vestibulodynie (forme d’inflammation du vestibule vulvaire, voir le chapitre « Connaître son corps » pour localiser le vestibule), endométriose...
Cependant, même traitées, ces causes peuvent laisser une empreinte douloureuse, et la difficulté sexuelle peut ne pas se résoudre immédiatement et nécessiter un travail psychothérapeutique.
Dans les causes non-organiques, il est souvent retrouvé dans le vaginisme une méconnaissance de l’anatomie du vagin. Différents travaux ont montré que les personnes souffrant de vaginisme ont tendance à se représenter un vagin très petit, incapable d’accueillir un pénis, et de l’information sur la physiologie du vagin et ses capacités d’adaptation à son contenu (voir « Connaître son corps ») peuvent aider à lever l’appréhension de la pénétration.
Beaucoup d’idées reçues existent à propos du vaginisme : par exemple, qu’il serait souvent consécutif à une agression sexuelle, ce qui n’est pas vraiment retrouvé dans les études. De même, il est parfois dit que les personnes souffrant de vaginisme n’ont ni désir ni plaisir, ce qui est faux. Souvent, le désir sexuel est présent, et la sexualité hors-pénétration est riche, ludique et tout à fait satisfaisante.
Dyspareunie et/ou vaginisme doivent donc amener à bien traiter (ou écarter) toute cause organique, à donner de l’information, à mettre la personne en confiance.
Une approche par sexothérapie et/ou psychothérapie sera généralement proposée, en associant le couple notamment dans les cas de vaginisme. Dans ce même cas, et seulement si une pénétration est absolument souhaitée, un apprentissage progressif par la personne elle-même (avec un doigt, ou des sex-toys de taille croissante) pourra être proposée, en amenant petit à petit le vagin à « accueillir » un contenu accepté et désiré.
Le trouble du désir sexuel, ou désir sexuel hypoactif (= peu intense), est défini comme une déficience persistante ou répétée de s’engager dans une activité sexuelle, ou une absence de pensée ou fantasme érotique. Sont donc concernés les processus cognitifs qui précèdent l’excitation... « l’envie d’avoir envie » comme chanterait Johnny Halliday.
Dans le DSM V (classification américaine des troubles psychiatriques), il est mentionné pour les femmes « le trouble de l’intérêt sexuel / de l’excitation sexuelle ».
Dans ces dysfonctions, les répercussions en termes de souffrance personnelle ou interpersonnelle sont essentielles à évaluer, car une personne peut être en « bonne santé sexuelle » sans avoir envie de rapports sexuels (attention à la normativité !)
Des causes organiques peuvent être retrouvées, certaines maladies chroniques ou certains médicaments pouvant diminuer le désir comme une maladie chronique du foie ou des reins, alcoolisme ou consommation de drogues, médication par antidépresseurs (voir chapitre « Sexualité et maladies chroniques »), mais les causes psychologiques et relationnelles sont les plus fréquentes : détresse psychologique plus générale, manque d’éducation sexuelle, diminution du sentiment amoureux envers le partenaire, influence de la religion, traumatismes passés, ou doute sur son identité de genre. Parfois l’arrivée d’un bébé (ou des beaux-parents) dans le foyer suffit à expliquer cette difficulté.
Dans tous les cas, il ne faut jamais minimiser la souffrance exprimée dans ce trouble : l’estime de soi, la confiance en soi pâtissent souvent de cette difficulté et c’est un véritable cercle vicieux, car il devient difficile de désirer quand on estime n’être pas désirable. Une approche psychothérapeutique ou une sexothérapie permettront souvent de dépasser ce cap.
L’absence d’orgasme après une phase d’excitation considérée comme « normale » peut être primaire ou secondaire (selon qu’elle a toujours existé ou qu’elle est apparue secondairement dans la vie sexuelle de la personne), constante, situationnelle (dans certaines circonstances) ou coïtale, certaines personnes atteignant parfaitement l’orgasme sauf par le coït.
Une grande variété de causes potentielles permet d’expliquer l’anorgasmie. Parmi celles-ci, une maladie chronique, une mauvaise santé générale, la fatigue, la prise de certains médicaments ou une lésion de la moelle épinière. Mais les causes psychologiques sont le plus souvent en cause. La connaissance et le contexte d’apprentissage de la sexualité sont des facteurs susceptibles d’être associés à cette difficulté : connaissance de son corps, message reçus dans l’enfance/l’adolescence sur la sexualité, contexte socio-culturel et religieux, capacité d’érotiser son corps et celui de l’autre, et, bien évidemment, sexualités non-consenties doivent être recherchés dans l’entretien avec la personne se plaignant d’une absence d’orgasme.
Attention aux « pièges classiques » d’une absence d’orgasme liée à une dysfonction sexuelle du partenaire : par exemple, une éjaculation prématurée de l’homme induisant une anorgasmie chez la femme qui n’a « pas le temps » d’atteindre l’orgasme.
Pour prendre en charge cette difficulté, une combinaison de thérapies est souvent nécessaire, dont des approches sexothérapeutiques type « sensate focus ».
Pour en savoir plus :
Parlez-moi d’amour. Patrick Papazian. 2016. Editions de l’Opportun.
Prostate, l’organe mystérieux qui vous veut du bien. Patrick Papazian, Edouard Klein, 2018. Editions de l’Opportun.
Chouchoutez votre vagin ! Patrick Papazian, Caroline Michel. Larousse. 2020.
Médecine sexuelle, fondements et pratiques. Frédérique Courtois, Mireille Bonierbale. Edition Lavoisier, 2016.
Manuel de sexologie. Elsevier édition. Patrice Lopès, François-Xavier Poudat. 4e édition, 2021.
Documenter précisément ce trouble () est essentiel car ces renseignements peuvent orienter vers une cause. Par exemple, le contexte médical peut indiquer un terrain vasculaire (diabète, hypertension artérielle...) qui orientera vers une cause organique, ou le contexte de vie (licenciement ou deuil récent) orientera davantage vers une cause dite « psychogène ».
DSM V en ligne (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) :
Ressources disponibles sur